Plus de 220 millions de femmes n’ont toujours pas accès à la contraception

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Le Monde
Rémi Barroux

La réélection de Barack Obama aux Etats-Unis, le 6 novembre, a été accueillie avec soulagement par les promoteurs des politiques de planification familiale. Les Etats-Unis en sont l’un des principaux contributeurs financiers dans le cadre de la coopération internationale. La victoire du républicain Mitt Romney soutenu par le mouvement Prolife (anti-avortement) aurait remis en cause ces engagements. Alors que le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) a présenté son rapport annuel sur l’Etat de la population mondiale 2012, mercredi 14 novembre, ce détour par les Etats-Unis illustre la situation tendue dans laquelle tra-vaille l’institution. Les contributions accordées par les pays dona-teurs « au service de la santésexuelle et reproductive dansles pays en développement» ont diminué de près de 400 millions d’euros en 2010 alors que les financements nécessaires pour assurer l’accès à un planning familial de qualité aux 867 millions de femmes en age de procréer dans les pays en voie de développement sont loin d’être rassemblés. Selon le rapport, 222 millions d’entre elles ne bénéficient d’aucune politique de planification familiale. Les experts estiment qu’il faudrait mobiliser environ 8 milliards de dollars (6,3 milliards d’euros) par an pour assurer une planification familiale universelle, soit environ le double des sommes dépensées actuellement. «Avec un euro par habitant de la planète, nous pourrions réaliserce droit universe1 à l’accès aux contraceptifs », explique M. Bergerin, coordinateurde la santé maternelle à l’UNFPA, qui réclame « une volonté politique plus résolue ». En juillet, la communauté des bailleurs publics et privés ainsi que les pays en développement se sont engagés à verser 4,6 milliards de dollars pour assurer l’accès à la planification familiale à 120 millions de femmes supple-mentaires d’ici à 2020. La France, elle, s’est engagée à consacrer 500 millions d’euros à la réduction de la mortalité infantile, sur la période 2011-2015, dont loo millions d’euros pour soutenir les programmes de santé reproductive dans neuf pays d’Afrique francophone. Derrière la bataille financière, accrue en temps de crise, se joue un combat politique. «Laplanification familiale volontaire est d’abordun droit fonda mental de la personne; dans tous les pays dans lesquels je me rends, les femmes veulent avoir moms d’enfants, mais disent n’avoir ni lepouvoirni les moyens d’éviter une grossesse non désirée», explique le docteur Babatunde Osotimehin, secrétaire exécutif de l’UNFPA. Régimes intégristes En insistant sur la défense des droits des femmes, l’UNFPA fait plus que soutenir une cause éthique. « C’est aussi une question de développement économique et social, insiste le rapport. Les investissements dans la politique familiale contribuent à réduire la pauvreté, améliorentla santé, promeuvent l’égalité des sexes, aident les adolescents à terminerleurs Etudes et accroissent la participation des femmes au marché du travail » Au Bangladesh par exemple, une étude dans une communauté a montré que le salaire des femmes qui faisaient usage de la planification familiale était supérieur d’un tiers à celles qui n’y avaient pas recours. Aux Etats-Unis, une enquéte a confirmé que la maternité chez les adolescentes réduit de 10 % la probabilité d’obtention d’un diplóme de fin d’études secondaires. « Dans mon prop re pays, le Nigeria, une étude récente a montré qu’une réduction du taux de fécondité d’un enfant par femme se tra-duirait, sur une période de vingt ans,paruneaugmentationdu revenu annuel par habitant de 1143 euros à 1291 euros, ce qui, multiplié par le nombre d’habitants, représenterait un gain deplusieurs dizaines de milliards », avance M. Osotimehin. Les enjeux de santé sont considérabies. Près de la moitié des 8o millions de grossesses non désirées qui surviendront dans les pays en développement, en 2012, aboutiront à un avortement, selon le rapport. «L’équation est simple, selon Yves Bergerin, si une femme a six ou sept enfants, elle a un risque sur sept de mourir pour une de ces grossesses. » Ont été recencés dans le monde, en 2010, 287000 cas de mortalité maternelle, c’est-à-dire survenue pendant la grossesse, lors de l’accouchement ou dans les jours qui suivent. Enfin, selon 1’UNFPA, les crises actuellesdans certains pays et l’arrivée au pouvoir de régimes intégristes compliquent la donne. « Nous avons du mal à intervenir au Mali par exemple, explique M. Bergerin. Et sans action sur le terrain, nous ne pouvonsprom ouvoi ra ucu nepoli tique de planning familiaL Les obstacles cul turels et religieux sont impor-tants, mais il faut discuter avec les autorités religieuses. Le succès repose sur une approche individuelle, communautaire et nationale. »