Fin de vie pourquoi una nouvelle loi

Monde
Laetitia Clavreul

Drole de journée que celle qui a vu, le 18 décembre, le Pr Didier Sicard, président d’honneur du Comité consultatif national d’éthique, remettre au chef de l’Etat, Francois Hollande, son rapport sur la fin de vie, dans lequel il ne jugeait pas souhaitable de légiférer de nouveau sur la question, et dans la foulée l’Elysée annoncer un projet de loi en juin.

Le méme jour, le Comité consultatif national d’éthique a été saisi surtrois points : les directives anticipées, le moyen de rendre les derniers instants d’un patient « plus dignes » et, plus inattendu, le suicide assisté.

L’« incohérence » entre les préconisations du rapport et la volonté de l’Elysée a été immédiatement relevée par le député UMP Jean Leonetti, toujours prompt à défendre la loi votée en 2005, qui porte son nom. Le Pr Sicard se montrait néanmoins critique envers le principe du « laisser mourir» quelle a instauré. Car ce qu’il a constaté, au travers des débats publics organisés par la mission qu’il présidaitet des sondages, c’est l’angoisse des Francais, malgré la loi actuelle, de vivre des instants insupportables à l’extréme fin de leur vie.

Alors, pour les rassurer, faut-il ou non légiférer? Le débat est lancé. La mission Sicard ne le juge pas nécessaire. Elle s’est prononcée contre la notion d’euthanasie telle qu’entendue en Belgique ou aux Pays-Bas, qui consiste à provoquer par injection de barbituriques une mort quasi soudaine. Elle n’a pas recommandé le suicide assisté, mais a tenu à indiquer, si le législateur décidait de l’autoriser, que l’Etat devrait assumer ses responsabilités et ne pas laisser le soin à une association de s’en charger.

« La priorité est de changer de regard sur la fin de vie, et de la penser solidairement », estime M. Sicard, plutout que de répondre par la loi à des revendications « sources de clivages dans la société ». D’autant que les demandes d’euthanasie ou de suicide assisté là où ils sont dépénalisés sont restées rares. La mission estime cependant qu’il faut aller plus loin, par le biais de la sédation terminale. «Lorsqu’une personne en situation de fin de vie (…) demande expressément à interrompre tout traitement(…), il serait cruel de la “laissermourir” ou de la “laisservivre”sans lui apporterla possibilité d’un geste accompli par un médecin, accélérant la survenue de la mort», souligne le rapport.

«Dans son application actuelle, la loi Leonetti peut exclure la possibilité d’une sédation terminale lucide à la demande du malade», estime le professeur. L’idée qu’il défend est donc de demander un changement de pratique des médecins pour garantir l’écoute des patients. Et, concrètement, pour les personnel atteintes de maladie grave et incurable, et après avis collégial, de permettre une mort en quelques heures, après endormissement, et non plus en quelques jours comme cela peut étre le cas. Pour lui cependant, une simple modification du code de déontologie, le médecin obéissant au précepte de ne pas tuer, permettrait de poser un cadre. Pas besoin d’une clause de conscience que le médecin pourrait opposer, c’est la définition de «bonnes pratiques médicales» appliquées par l’ensemble des praticiens qu’il prone. Les mots qui pourraient fàcher ne sont pas prononcés. Dans le rapport, pas d’« aide active à mourir», pas plus d’« assistance médicalisée à mourir dans la dignité »— les termes de l’engagement 21 du candidat Hollande —, méme si cela y ressemble fortement.

Pas question non plus de « donner » la mort, juste de l’« accélérer ». Les médecins n’ont pu se montrer mécontents. « II n’estpas stir qu’il faille modifier la loi, il suffit de l’appliquer», explique ainsi Vincent Morel, président de la Société francai se d’accompagnement et de soins palliatifs. Il se dit néanmoins ouvert au débat lancé par M. Hollande, notamment sur le suicide assisté. Une solution qui pourrait, de fait, davantage satisfaire les médecins, puisque c’est le patient qui accomplit l’acte. Mais la subtilité indispensable aux soignants est-elle compréhensible par les Francais? On peut en douter.

La loi Leonetti, toujours mal connue, en est d’ailleurs la preuve. «II ne faut pas s’abriter derrière des mots, si l’on veut avancer sur cette question de la mort, il faut tenir un langage de clarté et de vérité », reconnait-on dans l’entourage du président. Autrement dit, par la loi, permettre que les médecins sachent clairement ce qú ils sont autorisés à faire, que le geste létal ne soit pas pénaliséetqú une légitime clause de conscience soit opposable. La clarté a cependant des limites, puisque le mot « euthanasie » reste proscrit, ce qui a été reproché à M. Hollande pendant la campagne, et que l’Elysée parle d’« assistance dans la volonté de mettre soiméme un terme à sa vie », mais pas de suicide assisté.

«Il parait peu probable de faire l’économie d’une loi. Car la loi Leonetti s’inscrivant dans le cadre de l’irresponsabilité pénale, son extension d’application mérite une adhésion de la société au travers du Parlement», juge aussi Denis Berthiau, maitre de conférences en droit de la biomédecine (Paris-Descartes). « Les droits du patient viennentde la loi, rappelle pour sa part le sociologue Philippe Bataille. Une reconnaissance du droit à mourirserait plus claire, sans que cela doive déboucher sur une loi euthanasique. » Légiférer, et donc engager un débat public, en tout cas, aurait l’intérét d’associer pleinement les Francais, quand la définition de bonnes pratiques par les médecins et pour les médecins les exclurait. Un reproche déjà fait à la loi Leonetti, qú ils percoivent comme faite pour les médecins.